Le stress correspond aux mécanismes biologiques et psychologiques consécutifs aux agressions lorsque l’adaptation est dépassée. L’axe intestin-cerveau est impliqué dans cette réponse et, par voie de conséquence, le microbiote intestinal. Les probiotiques auraient un impact positif, même si certains essais n’ont pas permis d’objectiver leurs effets sur le stress, l’anxiété ou l’humeur chez l’homme. De nouvelles études avec des souches spécifiques ainsi que la recherche de synergies avec certains micronutriments sont nécessaires.
En 2017, deux essais randomisés contrôlés ont montré un effet bénéfique de deux souches probiotiques différentes, Bifidobacterium longum NCC 3001 [1] et Lactobacillus rhamnosus HN 001, dans la dépression, associée d’un côté au syndrome du côlon irritable, de l’autre au post-partum [2]. Mais il s’agit bien aussi d’effets souche-spécifique.
Mots clés – anxiété ; dépression ; humeur ; probiotique ; stress
Des études publiées récemment montrent, que les patients dépressifs présentaient des microbiotes moins riches et moins diversifiés que les personnes en bonne santé mentale (Fond G, 2020). En général, le microbiote de l’adulte est dominé à 90% par les phyla Bacteroidetes et Firmicutes. Les études chez les patients dépressifs et dans les modèles animaux ont révélé des altérations dans l’abondance de différentes espèces parmi les phyla Bacteroidetes, Firmicutes, Proteobacteria et Actinobacteria (Winter G, 2018).
Concernant les interactions entre cerveau et intestin, nous savons aussi désormais que le stress psychologique peut augmenter la libération de cortisol, qui va augmenter la perméabilité intestinale.
A l’inverse, l’intestin peut communiquer avec le cerveau par la libération d’hormones que l’on retrouve au niveau des cellules de l’intestin mais aussi dans les circuits émotionnels du cerveau. Les modèles animaux ont montré que le microbiote intestinal fournissait le cerveau en sérotonine mais également en dopamine, GABA, acétylcholine, noradrénaline et endocannabinoïdes.
La piste des psychobiotiques
« Grâce à une série de méta-analyses parues tout récemment incluant plusieurs dizaines d’études, nous disposons désormais de preuves de l’effet des probiotiques en santé mentale – en curatif mais non en préventif », déclare Dr Guillaume Fond.
Des études précliniques et cliniques ont en effet montré que certaines souches probiotiques, utilisées seules ou en association, pouvaient avoir un impact sur les réactions liées au stress, à l’anxiété, à la dépression, aux fonctions cognitives, et au comportement. Les probiotiques (et/ou prébiotiques) qui régulent le fonctionnement du SNC par des voies neurales, humorales, et métaboliques, afin d’améliorer la santé mentale sont appelés psychobiotiques.
Une méta-analyse a montré que la prise de probiotiques réduisait le stress subjectif chez des volontaires sans modifier les taux de cortisol. Et cinq méta-analyses ont conclu à l’efficacité des probiotiques dans la dépression (Huang R, 2016 ; Ng Q, 2018 ; Liu B, 2018 ; Goh K, 2019 ; El Dib R, 2021). Cet effet était plus important si les analyses étaient restreintes aux patients les plus sévèrement atteints, un effet classique retrouvé avec d’autres traitements actifs (comme les antidépresseurs).
Pour le Dr Guillaume Fond, les probiotiques trouvent toute leur place dans l’arsenal thérapeutique du traitement de la dépression, en complément aux antidépresseurs, aux côtés des oméga-3. D’ailleurs des recommandations publiées en mars 2022 par deux sociétés savantes de psychiatrie (World Federation of Societies of Biological Psychiatry (WFSBP) et Canadian Network for Mood and Anxiety Treatment Taskforce (CANMAT)) sur les compléments alimentaires (nutraceutics) qui peuvent être proposés dans le traitement de la dépression recommandent les oméga-3, la vitamine D, le zinc, les probiotiques, de même que de la phytothérapie dans les troubles anxieux.
Source: Le Dr Guillaume Fond l’auteur de l’ouvrage Bien manger pour ne plus déprimer (Prendre soin de son intestin pour prendre soin de son cerveau), Ed. Odile Jacob, 2022.
[1.] Pinto-Sanchez MI, Hall GB, Ghajar K et al. Probiotic Bifidobacterium longum NCC3001 Reduces Depression Scores and Alters Brain Activity: A Pilot Study in Patients With Irritable Bowel Syndrome. Gastroenterology. 2017;153(2):448-59.
[2.] Slykerman RF, Hood F, Wickens K et al. Probiotic in pregnary study group. Effect of Lactobacillus rhamnosus HN001 in Pregnancy on Postpartum Symptoms of Depression and Anxiety: A Randomised Double-blind Placebo-controlled Trial. EBioMedicine. 2017;24:159- 65.
Système immunitaire et allergies
Le bon équilibre de la flore intestinale - flore de fermentation et flore de putréfaction - est indispensable au bon déroulement de la fonction digestive mais aussi au maintien d'une immunité adéquate.
À l'état normal, une flore de fermentation protectrice tapisse les parois de l'intestin. Elle normalise l'écosystème bactérien et empêche la prolifération de bactéries pathogènes pouvant être apportées par l'alimentation. Elle s'oppose au développement de la flore de putréfaction qui en excès est irritante pour le côlon et génère des composés aminés toxiques pour le foie (nitrosamines).
Avec les changements d'hygiène de vie de ces dernières décennies (alimentation pauvre en fibres, antibiothérapie, stress...) cet équilibre peut être rompu et engendrer une altération de la muqueuse intestinale et des dysfonctionnements du
systeme immunitaire
Déséquilibres immunitaires: rôle de la flore
Le système immunitaire de la muqueuse intestinale doit tolérer la flore commensale mais aussi reconnaître les bactéries pathogènes sans engendrer de réponse inflammatoire trop importante pouvant altérer l'intégrité de la muqueuse.
L'activation de la réponse immunitaire innée s'effectue par la reconnaissance des MAMPs (microbial associated
molecular pattern) tels que le LPS ou le peptidoglycane par les TLR (Toll like receptor) ou les récepteurs NOD. II s'ensuit une sécrétion de cytokines, une activation de la
phagocytose et des lymphocytes NK. Certains lactobacilles sont capables de stimuler l'immunité innée. Des lactobacilles stimulent également la libération d'IgA sécrétoires dans la lumière intestinale pour empêcher l'entrée de bactéries ou virus infectieux dans la muqueuse. D'autres part, via la fermentation des fibres non digérées, les lactobacilles et bifidobactéries produisent des acides gras à chaine courte dont le butyrate. Celui-ci est la source principale d'énergie des colonocvtes et renforce la barrière intestinale
Terrain allergique
Il est essentiel que le microbiote intestinal (qui s'implante dès la naissance puis se développe durant les premiers mois de la vie) soit équilibré pour prévenir les terrains allergiques en orientant la réponse immunitaire vers un profil Th1.
De plus, en cas d'hyperperméabilité intestinale, des protéines alimentaires mal digérées allergènes peuvent passer à travers l'épithélium intestinal et stimuler le système immunitaire.
Or le microbiote produit des métabolites qui permettent d'améliorer l'intégrité de la muqueuse intestinale pour empêcher le passage de grosses molécules.
La souche Lactobacillus rhamnosus GG a montré des effets bénéfiques dans de nombreuses publications scientifiques. Cette souche particulière possède un pili permettant son adhésion à la muqueuse intestinale pour exercer ses propriétés.
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