A l’aide d’une horloge épigénétique, un outil permettant d’évaluer l’âge biologique selon le profil de méthylation de l’ADN, des chercheurs américains montrent que le stress est bien associé à une accélération du vieillissement. Ils révèlent également que les effets du stress sont moindres chez les individus les plus aptes à contrôler leurs émotions. Le point sur les données récentes, avec le Dr Mauricio Wajngarten .
Le stress chronique est néfaste pour la santé. Il augmente notamment le risque de maladies cardiovasculaires par le biais de mécanismes biologiques (métaboliques, hormonaux, inflammatoires…) et, plus largement, de mécanismes comportementaux en lien avec le style de vie. L’étude de l’influence des facteurs psychosociaux et des mécanismes impliqués dans la hausse du risque cardiovasculaire et le vieillissement en général apparait essentielle pour élaborer des stratégies de prévention à un niveau individuel ou populationnel, dans l’objectif de garantir une meilleure espérance de vie, tout en conservant une bonne qualité de vie.
Déterminer le profil de méthylation
En étudiant l’effet du stress sur le vieillissement et les moyens de s’en protéger, une équipe de chercheurs de l’université de Yale (New Haven, Etats-Unis) a contribué à mieux comprendre les mécanismes en jeu.[1,2] Pour mener leur étude, ils sont partis des hypothèses suivantes :
Le stress est associé à une accélération du vieillissement biologique et ce sont les modifications physiologiques qu’il provoque qui sont en cause (résistance à l’insuline, hyperactivité de l’axe hypothalamo-hypophysaire…);
Des facteurs importants de résilience psychologique peuvent prévenir les effets négatifs du stress sur le vieillissement.
Les chercheurs se sont distingués de précédents travaux menés sur le sujet en sélectionnant des adultes en bonne santé (sans pathologie clinique, ni trouble psychiatrique) résidents dans la zone métropolitaine de New Haven, aux Etats-Unis. Au total, 444 volontaires âgés de 18 à 50 ans ont été inclus. Ils ont répondu à un questionnaire pour déminer leur niveau de stress et leur capacité psychologique à faire preuve de résilience.
Originalité de l’étude est que les chercheurs ont eu recours à une « horloge épigénétique ». Il s’agit d’un moyen d’évaluer l’âge biologique en mesurant l’accumulation de groupe méthyle sur l’ADN, qui se produit naturellement avec l’âge, mais à des moments différents selon les individus. Ces dernières années, des horloges épigénétiques ont ainsi été développées pour déterminer l’âge biologique en fonction du profil de méthylation. Ces outils se sont révélés plus appropriés que l’âge chronologique pour prédire la durée de vie et l’état de santé. Parmi les horloges épigénétiques à disposition, GrimAge aurait de meilleures performances pour évaluer le vieillissement et anticiper le risque de décès.[3]
Bénéfice de la régulation des émotions
Les conclusions de leurs travaux sont les suivantes :
Le stress prolongé est associé à des marqueurs de vieillissement accéléré et à des changements physiologiques tels que la résistance à l’insuline et une variation de la sensibilité des glandes surrénales (évaluée par le rapport cortisol/corticostimuline). Après ajustement sur des facteurs démographiques et comportementaux, la résistance à l’insuline apparaît corrélée au vieillissement accéléré révélé avec GrimAge.
Les facteurs de résilience psychologique ont un effet modérateur sur le lien entre stress et vieillissement : les individus présentant une aptitude moindre à réguler leurs émotions ont une accélération plus importante du vieillissement lié au stress, tandis que chez ceux qui maîtrisent le mieux leurs émotions, l’examen du profil épigénétique par GrimAge n’a pas révélé d’effet significatif du stress. La corrélation entre le stress et la résistance à l’insuline apparait beaucoup moins marquée chez les sujets disposant d’une bonne maîtrise de soi.
Même en tenant compte des différents co-facteurs démographiques, physiologiques et comportementaux, le stress prolongé est associé à une accélération du vieillissement, selon les résultats de GrimAge.
Les résultats montrent que le stress chronique est associé au vieillissement épigénétique dans une population saine et que cette association peut être modulée par des facteurs biologiques et comportementaux.
L’importance de la santé mentale
Même après avoir pris en compte des facteurs démographiques et comportementaux, tels que le tabagisme, l’indice de masse corporelle (IMC), l’origine ethnique ou le niveau de revenus, ceux ayant les scores de stress chronique les plus élevés présentent des marqueurs de vieillissement accéléré et des modifications physiologiques, comme une résistance accrue à l’insuline. Néanmoins, ceux qui possèdent les scores les plus élevés dans l’évaluation de la résilience psychologique (régulation des émotions et maîtrise de soi) étaient résistants aux effets du stress sur le vieillissement et la résistance à l’insuline.
« Ces résultats vont dans le sens de la croyance populaire selon laquelle le stress nous fait vieillir plus vite », a déclaré le principal auteur, le Dr Zachary Harvanek (département de psychiatrie, Université de Yale, New Haven, Etats-Unis). « Ils suggèrent aussi une voie prometteuse pour réduire les effets secondaires du stress par la maîtrise de soi et une meilleure régulation de ses émotions ». En d’autres termes, selon lui, plus le sujet est résilient psychologiquement, plus il a des chances de vivre plus longtemps et en meilleure santé.
« Nous aimons tous sentir que nous avons une certaine influence sur notre destin. Par conséquent, il apparait important de renforcer l’idée que nous devrions investir davantage dans la santé mentale », a commenté un autre auteur.
Dans ces temps difficiles source de stress, il est bon de rappeler que l’état de santé est indissociable de la santé mentale. De plus, grâce à une meilleure capacité de résilience psychologique, il deviendrait possible de retarder le vieillissement.
Cet article a été publié originalement sur l’ édition en portugais de Medscape , le 12 janvier 2022.
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